La légende de Jean-Baptiste Gaudet

L’homme qui se transformait en taureau

Jean-Baptiste Gaudet, né au début du XIXe siècle, s’installe dans la région boisée de Concessions. Personnage de mythe et de légendes de la région de la Baie Sainte-Marie, le souvenir de cet homme aux pouvoirs magiques fait encore l’objet d’interprétations artistiques récentes.

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La région de Clare est riche en légendes, dont celle de Jean-Baptiste Gaudet, connu sous le nom de John ou Johnny « Petoque. » Pourquoi John Petoque est-il légendaire? Pour répondre à cette question, il faut se replonger dans l’univers social et culturel des années 1800 en Clare. À cette époque, les Acadiennes et Acadiens sont de fervents catholiques et le milieu de vie est grandement influencé par la religion. Jean-Baptiste Gaudet vivait à contre-courant des valeurs de cette période et on l’accuse d’avoir « vendu son âme au diable ».

Né le 2 août 1806 au Petit-Ruisseau, dans la paroisse de la Pointe-de-l’Église, il est le fils d’Isidore (à Joseph « John » à Pierre à Bernard à Pierre à Dennis à Jean) Gaudet et Marguerite Bastarache (à Marie-Josephe Comeau et Jean-Baptiste à Pierre à Jean « Joannis » Bastarache). Jean-Baptiste Gaudet épouse Anne Saulnier en premières noces. Devenu veuf, il épouse Marie (à Eusèbe) Thibault. Les documents d’archives indiquent qu’il est le père de 10 enfants : Auguste, Basile Ion, Léon, Vitaline Honorine, Luc Damase, Marie Anne, Thècle Mathilde, Denis Isidore, Elizabeth, Melanie et Catherine Gaudet. Jean-Baptiste demeure au village forestier des Concessions pendant de nombreuses années. Au moment du recensement canadien de 1871, Jean-Baptiste Gaudet a 64 ans. Il indique au recenseur qu’il est fermier et qu’il est incapable de lire ou d’écrire.

La vie d’agriculteur était particulièrement difficile à l’époque.  Sans électricité, tous les travaux sont manuels et on utilise des bœufs ou des outils fabriqués. Le transport se fait à pieds ou à l’aide d’un cheval ou d’un bœuf et d’une charrette. La légende de Johnny Petoque raconte qu’il se transformait en chien noir et en taureau pour faciliter son travail. C’est intéressant de noter le lien avec les expressions locales « virer dans un bull » ou « enragé comme un chien ». Dans sa forme animale de taureau, Petoque poursuivait les femmes lorsqu’elles allaient cueillir des bleuets dans son champ. Et lorsqu’il prenait la forme du grand chien noir, il « [s'amusait] à effrayer les gens qui osaient s’aventurer près de sa demeure à la nuit tombante ». On raconte aussi qu’il se transformait en animal lorsque venait le temps de parcourir la distance entre son village forestier et les villages côtiers.    

Bien que la légende de Cy à Mateur de Meteghan (1848-1919) soit mieux connue dans la région de Clare, c’est l’histoire de Johnny Petoque qui la précède. Cette légende perdure jusqu’à nos jours grâce à la tradition orale et certaines représentations modernes. À titre d’exemple, Anne LeBlanc, artiste acadienne, a un tableau qui représente Petoque (le taureau) qui chasse les femmes d’un champ de bleuets. De plus, Michael Gaudet, chanteur-compositeur acadien, a une chanson intitulée (La Ballade de) Jean-Baptiste Gaudet. Dans une vidéo publiée en 2012, l’artiste se remémore les multiples histoires de Jean-Baptiste Gaudet. Le chanteur explique aussi la transmission de cette légende lors des feux de camp à la CJA (Colonie jeunesse acadienne). Les jeunes racontaient des histoires de Johnny Petoque et ils étaient tellement effrayés qu’ils ne pouvaient pas dormir! 

Reprenant les grandes lignes du récit, Michael Gaudet raconte que Petoque « [ne]pouvait jamais perdre aux cartes ». Lors d’une partie de cartes, un des adversaires de Petoque regarde sous la table et constate que les jambes de Jean-Baptiste sont comme pattes de cheval. Michael Gaudet présente le personnage de Petoque comme un buveur d’alcool et joueur de cartes qui n’allait pas à l’église. En effet, la mort de Jean-Baptiste Gaudet ne semble pas avoir été documentée par la paroisse. Il n’est pas enterré dans le cimetière de l’église Sainte-Marie à la Pointe-de-L’Église, ni dans celui de l’église Notre-Dame du Mont-Carmel aux Concessions, construite après son décès. Il serait plutôt enterré en périphérie de Lac Spectacle (ou du lac des lunettes) aux Concessions.

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Concessions, Nouvelle-Écosse